Tour d'Issyk Kul à vélo Vol. 2

Rive sud / Rive Nord & pause à Karakol,

vues sur les montagnes et les moissons,

du vélo roulant de bivouac en bivouac sur les bords du lac

Ak terek -> Karakol

Matin Plage

Après mon escapade sur les hauts plateaux kirghizes, je prends la matinée pour me dorer la pilule à la plage, rive sud ensoleillée d'Issyk Kul. C'est sur ma route pour Karakol - qui n'est plus bien loin, j'ai un peu de temps - que je repère des panneaux, une route qui descend, un coup de Google satellite et hop endroit parfait pour lézarder ! Mon vélo en vue, adossé au mobilier de plage, le chargeur solaire étalé sur la table et mes trois petites culottes, lavées dans l'eau du lac, qui sèchent.


Aparté : La lessive c'est vraiment le plus chiant, c'est pas du tout pratique, ça prend beaucoup de temps et rien n'est ni jamais vraiment propre ni propre en même temps au final. Mais les culottes ça reste rapide & facile!

Aprem vélo

Je me remets en route gavée de soleil, propre et nourrie par une énième très gentille famille kirghize qui m'offre du pain et une tomate. La route est, comme c'est apparemment la règle autour de cet immense lac, plate et belle. Je fais une nouvelle pause pour manger parce que quand même, il me faut plus d'une tomate pour me sustenter. Et puis je file à Karakol à toute vitesse pour éviter l'orage qui me talonne. 

Karakol

Yak Hostel, le Poudlard crado de l'est

A Karakol je loge dans une Guesthouse d'un autre âge... Le Yak hostel, il était dans mon guide, décrit comme tel mais pas cher. Je paie 4,50€ la nuit. Franchement, je ne pense pas que ce soit une bonne affaire... J'ai rencontré beaucoup de gens par la suite qui pour 6€ avait un truc clean et confortable. Mais bon c'était une expérience 😊 Je n'avais pas besoin de plus et je faisais ma sauce tranquilou, ambiance tambouille au réchaud dans le salon aux tentures et toile d'araignée de lessive à sécher dans la chambre.

 

Le Yak hostel c'est le château de Poudlard en mode crado et aux nuances pays de l'est (donc plutôt Dumstrang pour les puristes HP mais comme on ne sait pas trop à quoi ça ressemble...). La douche chaude n'existe pas... J'en aurais quand même une, une fois, sans comprendre pourquoi le ballon d'un coup était allumé. Peut-être que le propriétaire, aussi décrépi que sa maison - mais gentil - ne le met en marche que sur demande expresse.... Quoiqu'il en soit, la douche froide en elle-même reste une aventure, j'en connais qui ne poserait pas leur pied nu sur le sol. J'ai aussi essayé le petit dèj, une fois, ça m'a vacciné. Et avec les cafés qui existent à Karakol, c'était vraiment une souffrance inutile. En tous les cas, j'ai bien aimé ma minuscule chambre à la fenêtre complètement occultée par la vigne vierge, et j'ai très bien dormi dans mon petit lit moelleux. 

Un havre touristique

A priori ces deux mots sont antinomiques... Sauf pour ceux qui préfèrent le Club Med, en voyage on rêve plutôt d'authenticité et de dépaysement. Mais au Kyrgyzstan, même si le pays s'ouvre depuis un moment au tourisme avec des facilités de visa, des offices de tourisme, une offre d'activités et d'hébergement, etc. Et même si on en croise pas mal d'étrangers comme soi, venus visiter le pays, ce n'est pas Dubrovnik avec ses horaires imposés pour réguler la masse des vacanciers... Surtout en voyageant à vélo et en ne s'arrêtant pas toujours dans les places to be !

 

A Karakol, il est très facile de trouver infos et conseils. Comparé au reste du pays, beaucoup de gens parlent anglais ce qui est super appréciable pour une fois parce que la barrière de la langue est vraiment frustrante à force. C'est ma faute, je devrais parler un peu russe mais bon... là en tout cas, ça fait du bien.

 

De plus, c'est une vraie ville donc on peut y trouver de tout. Notamment du vrai café dans des petits bars mignons avec des gâteaux russes maisons à tomber par terre. On peut manger des pizzas si on a le ventre dans les chaussettes ou si on veut juste vérifier que ça existent encore. Et ici il est normal de dormir sous la tente, faire du vélo et partir en trek.

 

Après 15 jours de gras de moutons, de Google translate et de regards interrogateurs, je vous assure que, pour moi en tout cas, cette ambiance un peu expat est rassurante! Karakol, mon havre touristique donc, est une ville parfaite pour prendre deux jours de pause de tourisme ordinaire.

 

La ville se révèle aussi plutôt mignonne pour le Kyrgyzstan. Dans le pays, ce n'est pas l'architecture qui prime... Il n'y a pas de jolis monuments, les villes et villages c'est assez anarchique dans un mélange pas heureux de tôles, briques, parpaings ou terre. Le tout recouvert de banderoles aux couleurs vives - ou passées - de légumes et pub Télécom.

 

A Karakol, c'est un peu mieux. Les petites rues, juste en retrait du centre, sont faites de vieilles maisons peintes à la chaux, aux fenêtres colorées, dentelles de bois et jardinets fleuris. J'en ai déjà vu, et j'en reverrai pendant mon tour de lac, mais là ça donne un ensemble assez cohérent pour une fois, qui lui confère un petit charme ancien. L'arrière plan des montagnes, un bazar sympa et quelques belles visites (mosquée, église) ne gâchent rien!

Visites : musée, mosquée, église et marché aux bestiaux

Ce n'est pas non plus la folie folie mais il y a quelques petites choses à voir en ville. Je commence par le musée Przhevalsky, l'explorateur, officier, naturaliste et géographe qui a arpenté les terres d'Asie centrale et est mort ici. Il est connu pour avoir découvert et donné son nom à une nouvelle espèce de cheval de petite taille. Ce n'est pas à Karakol même, mais à une dizaine de kilomètres au nord ; je prends donc mon vélo pour y aller. Bon le musée en soi est très réduit : quelques animaux empaillés, coupures de journaux, et photos. Si ça fait un peu miséreux, la plupart des panneaux est traduite en anglais et on peut tout comprendre au final, le parc autour aussi est agréable. J'y croise d'ailleurs des mariés venus faire leurs photos, ils choisissent de se placer au pied de l'énorme statue avec un aigle, toute moche... choc culturel.

 

La mosquée chinoise, en bois, très colorée est pas mal. Une importante communauté dungan vit en ville. Ce sont des chinois musulmans, issus du peuple Hui, ayant fui leur pays autour de 1880 vers le reste de l'Asie centrale. Ça se ressent au bazar et le plat typique de la ville est une de leur spécialité, l’ashlyanfu, des pâtes gélatineuses en sauce, assaisonnées d’herbes et de piment, qui se mangent froides. C'est très bon! Bon sinon, on fait le tour de la mosquée en 5-10 min mais c'est un joli bâtiment, construit sans clous, apparemment rare pour son style. On ne pouvait pas rentrer à l'intérieur mais l'homme en charge en a fait des photos pour moi.

 

 Il y a également l'église orthodoxe à voir. Plus grande, façades de bois ancien impressionnantes et bulbes dorés, elle a un très joli cachet! On peut rentrer à l'intérieur mais comme je suis arrivée au milieu d'un service de messe, je n'ai pas pu en faire réellement le tour. J'ai juste fait semblant d'être dévote pendant 5 minutes pour observer un peu. Ce qui n'a surement pas marché du tout, en sortant je me suis aperçue que je n'avais pas mis de fichu sur mes cheveux comme il fallait, à l'entrée il y avait un bac rempli de foulards prévus à cet effet...

Ma dernière visite se fera le lendemain matin, tôt, avant de partir pour mon trek dans les montagnes. En effet, Karakol est connue pour son grand marché aux bestiaux du dimanche matin. On y vend moutons, vaches et chevaux dans une ambiance de foule dans la bouse. C'est rigolo, il y a plein de choses à voir et de clichés kirghizes à prendre en photo. Pas très pratique avec le vélo, je l'attache à un endroit et après c'est la faufilade au milieu des bêtes pour observer les ventes, le maréchal-ferrant, les essais de chevaux, les attentes... Ce que je préfère c'est les acheteurs qui tentent de ramener leurs achats récalcitrants, parfois la corde leur échappe et c'est le gag de la course-poursuite au milieu du marché. Ils leur tordent fort la queue sinon pour les contraindre, donnent des coups de pieds et tirent comme des fous sur leur corde...

Karakol -> Ak Bulak

Je reviens en début d'aprem de mes quatre jours de marche dans les montagnes. C'était magique! Comme j'ai un peu de temps et que la rando du matin n'était pas très violente, je me dit que je peux m'avancer un peu sur mon itinéraire prévu jusqu'à Balyktchy.

En effet, le projet maintenant c'est de revenir vers cette ville carrefour située à l'extrême ouest du lac en passant par la rive nord. Il y a 220 km, je me donne trois jours, ça fait du 70 km / jour, ce qui est très raisonnable surtout que la route doit être en meilleur état. La rive nord est la plus développée, elle a été investie par de riches russes qui viennent passer leurs vacances dans des gros complexes balnéaires au bord du lac. Mais si je peux descendre à 60 km / jour et me la couler plus douce, c'est toujours ça de pris et ça m'économise aussi une nuit à Poudlard.

J'enfourche donc de nouveau mon vélo tard dans l'après-midi, il est 17h, après avoir rempli les batteries, racheté du gaz et du net, refait les sacoches et les courses. Le soleil couchant sur les blés et les montagnes qui me séparent du Kazakhstan donne des belles couleurs. Un moto-cycliste, tchèque - qu'est-ce qu'ils voyagent ceux-là pour un si petit pays peu connu! - s'arrête. Il vient de traverser des tas de pays et descend de Russie. Ils sont super nombreux sur ces routes, autant je ne croise pas un vélo - bizarre - autant je vois des tas de motos! Recouvertes d'autocollants et de boue, les bidons de secours, le chargement... Elles se reconnaissent bien dans leur style roots sur la route. Ils passent par l'est de l'Europe et poussent généralement jusqu'au Tadjikistan voire l'Afghanistan, pour s'offrir la Pamir Highway, itinéraire mythique qui enchaîne les cols à 3000 / 4000. Ancienne route de la soie, c'est la deuxième route la plus haute du monde.

Je discute donc un peu avec mon tchèque et c'est reparti. J'avise un spot camping pour la nuit sur Google satellite mais c'est un peu surestimer la cadence... Je repense à la Suède avec Mathilde et, comme là-bas, ma nouvelle activité du soir consiste à éplucher les bords de lac sur l'application pour repérer l'endroit parfait pour camper! Je n'arriverai pas à celui que je m'étais fixé... La nuit tombe vraiment et je dois changer mes plans. Je bifurque à gauche vers le lac dans le noir complet avec ma frontale qui a un sérieux problème d'éclairage. Je ne vois réellement pas grand chose à part des tâches de couleur, foncé = trou dans la route. Heureusement cette voie est vraiment pas mal entretenue, goudronnée quasi jusqu'au bout. Des aboiements dans la nuit mais rien d'autres. Je débouche sur une petite plage avec banc, et coin d'herbe. Super!

Ak Bulak -> Semenovka

Je passe la matinée au bord du lac. Il fait soleil et je suis malade. Alors je prends le temps de me soigner, de me reposer et me connecter avec le monde. Le reste de la journée c'est vélo. Rien d'exceptionnel mais c'est agréable. Comme prévu la route est plus facile. Nous somme fin août et les moissons battent le plein dans les champs. J'observe le fauchage parfois à la main, à la débroussailleuse ou avec des tracteurs qui n'ont pas été achetés avec les subventions européennes ! Sur le bord de route c'est un défilé de charrettes ou camion-camionnette remplis à ras bord de fourrage. Je fais une pause pour midi sous de grands arbres. Je trouve de nouveau un parfait endroit pour bivouaquer où j'arrive un peu plus tôt. Il me reste juste de la lumière pour me rincer dans le lac et monter la tente. 

Semenovka -> Ornok

Ces jours au bord du lac s'enchaînent et se ressemblent. Je prend le temps le matin pour me reposer, démonter le camp, bien manger, écrire et prendre des nouvelles. L'après-midi je pédale, une soixantaine de kilomètres, en faisant une pause vers 15h pour manger un bout.

 

La route est belle entre vues sur le lac et montagnes désertiques sur la droite. Elles sont plus basses et ne retiennent pas les nuages comme leurs voisines d'en face. Parfois c'est de grandes étendues, toutes plates, de désert, une roulotte de ferraille et une ligne électrique au milieu. C'est aussi des petits villages qui s'égrènent tout au long de la route. Visions qui reviennent d'enfants, de maisons de bois, de couvertures multicolores à sécher, de vieilles en fichus à fleur, fenêtres sculptées et dentelles, roses trémières, pommiers croulant sous le poids des fruits, tabouret pour un stand - abricots, groseilles,... - cavalier de 10 ans, moutons sur la route, installation électrique...

Je m'arrête à Cholpon Ata pour déjeuner. Dans un mauvais restautant pour Russes. Cocktail pas mal. Mantys - gros raviolis frits aux oignons et mouton - gras & écoeurants, ça peut être bon mais là ce n'est pas le cas. C'est ma faute, je n'aurais pas du aller là, ça sentait complètement le piège à rat. Tant pis, on ne peut pas gagner à chaque fois!


Cette fois-ci je ne trouve pas facilement un coin en bordure du lac en vue satellite... Il y en a bien un mais la route pour y accéder ne m'a pas l'air très tracée. Surtout mon GPS fait n'importe quoi et je n'arrive pas bien à me situer. Du coup, je bartasse un peu dans les fourrés pour tenter d'accéder au bord. Impossible. Je tente plus loin. Impossible. Je continue. Ah... Se pourrait-il que j'y arrive ? Ah oui, j'ai les pieds dans l'eau. Mais pas d'espace pour monter la tente... Cette clairière d'herbes hautes en retrait pourrait faire l'affaire ? Allez vendu! Tant pis pour mon repérage satellite, je préfère faire l'impasse et profiter des dernières minutes de jour. 


Je me baigne au coucher du soleil. Superbes couleurs en reflet dans l'onde. Vol d'oiseaux interminable dans l'orange et violet du ciel. Petit moment de grâce. 

J'ai mis du temps à dénicher ma clairière mais je suis sûre que personne ne viendra m'y trouver! Je dors comme un bébé sur l'épais tapis d'herbe. 

Ornok -> Balyktchy

Dernière étape avant Balyktchy. C'est une petite, une cinquantaine de kilomètres. Je pars plus tôt avec l'envie de retrouver l'auberge et d'organiser une petite excursion de dernière minute, dans la région de Naryn, avant l'arrivée de Tom. 


Peur. Un énorme berger allemand déboule des fourrés et me foncé dessus. Aucun aboiement. Klaxon. Je freine en catastropheet pose pied à terre. Il s'arrête net. Je lui hurle dessus et il va se cacher la queue entre les jambes. Je hais les chiens et leur cerveau de pois chiche. A chaque fois c'est pareil : ils s'arrêtent quand tu t'arrêtes, qu'ils aboient ou pas. Mais pourtant quelle montée d'adrénaline incontrôlable à chaque fois aussi... C'est ce dont j'avais peur en partant. Heureusement, jusqu'ici aucun n'a encore été très agressif et n'a voulu me mordre. Je prie les dieux pour que ça n'arrive pas. 


Sinon, ça roule bien. Juste sur les dix derniers kilomètres un sacré vent de face qui ralentit comme il faut! Les vagues ourlent les bords de l'Issyk Kul. En arrivant sur la ville, les stands sur la route changent, ici on vend du poisson séché. Je n'ai pas encore goûté mais un espagnol, ayant testé - il était en manque de ses saveurs natales - m'a assuré que c'était délicieux. 

Je retrouve ma Tien Shan Guesthouse avec Irina parlant un anglais parfait et qui accepte encore une fois de garder mon vélo et quelques affaires pour quatre jours.


Je suis en compagnie d'une famille belge et d'un couple hispano-canadien. Il semble que les belges ont arpenté toutes les routes du Kyrgyzstan à bord de leur 4x4! Ils ont un bouquin spécial pour ça qui englobe aussi le Tadjikistan. Ils me donnent des conseils pour la suite avec Tom, pour rejoindre Osh via de jolies pistes. Je dîne avec les autres hôtes - le couple - la fille est d'Ottawa et on parle un peu français ensemble. Elle me dit que d'habitude les Français ne la comprennent pas et on rigole bien toutes les deux. Son copain a un anglais plus limité, le rapport est donc plus effacé mais je passe une chouette soirée avec eux. Je partage ma compote de pomme maison et ils me racontent leur voyage. Ils sont en moto. Partis d'Espagne, ils reviennent maintenant du Tadjikistan et de la fameuse Pamir Highway. C'est toujours fascinant et plein d'infos pour de prochaines aventures !

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