Arslanbob, virée au pays des noyers

On délaisse les vélos pour deux jours à Arslanbob, village de montagne, enclave ouzbek en terre kirghize. Le lieu est réputé pour ses cascades, ses randonnées et, surtout, pour la plus ancienne et vaste forêt de noyers au monde. 

Trajet, Arrivée, projet

Nous voici partis, à pied (huhu) pour Arslanbob. Un peu difficile à prononcer mais, une fois qu'on l'a, on peut le répéter à l'envie avec fierté, c'est très plaisant. Nous suivons les indications de notre hôte pour se rendre aux bus : pour à peine 1 € et après un changement rapide à Bazar-Korum, deux heures de cahin-caha et une session postillon suivie d'un petit sermon nous voici à Arslanbob (à force, vous aussi vous pourrez bientôt le prononcer). L'histoire vraie c'est qu'un vieux bourré, assis à ma droite, voulait absolument me parler ; sauf que, n'appréciant pas me faire cracher dessus et n'y comprenant rien, j'ai été subitement passionnée par mon voisin de gauche. Sur ce, un guide du coin qui tapait la discute à Tom s'est excusé pour l'attitude du papi alcoolisé en déplorant qu'un musulman boive autant dès le matin. Il insistait beaucoup sur le matin, j'imagine que ses propres beuveries du soir étaient donc autorisées... A méditer. Vers midi, nous sortons nos jambes découvertes - et impies! En ce village kirghize mais ouzbek, nous apprenons l'existence d'un code vestimentaire pour le touriste en goguette : pas de jambes nues! - sur la petite place centrale de ce bled à la noix (<- ceci est une blague, voir la suite).  Le guide nous emmènent à l'office de tourisme où nous enfilons des vêtements décents et décidons de notre programme en fonction des infos fournies. Nous ferons la balade en forêt cet aprem car ce n'est pas trop long et demain en revanche belle boucle de 24km en altitude.

Les autres voyageurs

Nous optons pour l’option guesthouse mais sous la tente. C'est à dire que nous plantons la tente dans le joli jardin d'une des maisons du village avec option p'tit dèj. C'est mignon mais pas très confort. Au début on voulait dormir dans le parc des noyers mais c'est payant et surtout il nous faudrait retourner 4km plus bas sur la route retirer le permis aux gardes forestiers. On abandonne donc l'idée. A la guesthouse, nous rencontrons un allemand et une polonaise, radicalement différents dans leur approche du voyage. L'un parti à moto pour deux semaines, presque surpris lui-même d'être là, n'était pas sur d'aimer ça ; et l'autre en vélo pour des mois, très déterminée et sortie de la Pamir en mode "même pas mal". Nous croiserons également la route de ce Canadien, désolé j'ai oublié les prénoms de tout ce beau monde, qui faisait Singapour-Estonie sans payer les transports. Je lui ai posé beaucoup de questions car j'avoue que la volonté de gratuité m'intrigue - et me dérange - au vu de nos écarts ahurissants de richesse... Je me sens incapable de dire que "je ne veux pas payer" à un kirghize qui s'arrêterait pour moi sur la route ; sachant qu'en plus ici c'est la culture : pas d'autostop mais toute voiture est taxi. Et tout le tralala du partage m'apparaît à ce stade comme de jolies et naïves histoires, même si, voyant leur hospitalité, je suis sûre que ça doit marcher. J'en ai d'ailleurs profité moi-même, autant pour le transport que l'hébergement : je n'ai pas toujours payé mes rides ou mes hôtes. Mais c'est le fait de demander qui me gêne. S'assurer de la gratuité. Faire l'aumône. Pour moi tu n'agis de cette manière que si tu es dans le besoin. Et ça m'apparaît tout à fait indécent de vouloir jouer au SDF. J'essaye donc de comprendre cette envie de faire l'aumône via mon canadien et c'est assez intéressant.

A l'ombre des noyers

Nous partons pour la forêt. C'est une jolie balade sous la canopée qui, déjà, se pare de ses couleurs automnales. Nous avons de la chance c'est l'époque de la récolte et l'on observe les petits campements sommaires des cueilleurs et leur famille aux quatre coins du bois. Quelques planches et bouts de tissus. Chacun est à l'oeuvre, les jeunes hommes sont en haut des cimes pour faire tomber et récolter les récalcitrantes - exercice assez impressionnant par moment surtout qu'ils n'ont évidemment aucune protection en cas de chute. Le reste de la famille est au pied des arbres et sillonnent le parterre de feuilles armé d'un baton. On rempli de grands filets rouges. Il me font penser aux bretons qui arpentent la baie pour la pêche aux coques, bottes aux pieds, griffe et panier à la main, le nez dans le sable. Changement de décor mais comportements identiques. Nous grimpons une petite butte offrant une vue sur cet océan de noyers. En réalité on ne voit pas bien loin car il y a beaucoup de brume. Je crois que le voisinage des hautes montagnes et du désert crée en cette saison cette forte nébulosité. C'est tout de même agréable, tout est très calme entourés de forêt, sous ce soleil voilé. Nous redescendons sous les arbres et parcourons les chemins bien tracés qui quadrillent à présent ces bois millénaires. Nous continuons notre promenade pour déboucher sur un second panorama, côté village cette fois-ci. Petite falaise et formations rocheuses, le soleil se couche, atmosphère paisible. Nous rentrons tranquillement.

Cascades, montagnes et rocher sacré

Lever matinal et petit-dèj avec la polonaise qui nous impressionne par sa détermination à obtenir de la confiture et du lait, tout en restant agréable avec la maîtresse de maison. Avec la participation de Tom dans les échanges nous finirons par avoir gain de cause. C'est vrai qu'oeuf et pain rassis, ça ne donnait pas très envie. On m'avait assez vanté la générosité ouzbek mais mon expérience personnelle ne viendra pas vérifier ces dires, je serai plutôt déçue des quantités comparé aux kirghizes.

 

Bref, nous partons pour la première étape du chemin : la grande cascade, la plus grande du Kyrgyzstan! Un filet d'eau de 90m de haut, assez esthétique. Ensuite nous grimpons au dessus par un petit sentier caché, je me demande plusieurs fois si on est réellement sur un chemin mais Tom est confiant. Traversée de la rivière un peu avant la cascade et poursuite de la montée. Personne en vue, nous évoluons comme si nous étions au premier âge du monde, il n'y a rien que la pierre et le ciel. Au-dessus d'un pierrier nous sommes un peu perdus, plus de traces nettes et nous cherchons un petit temps notre passage, heureusement que le GPS existe et que le sentier est référencé sur Mapsme! Enfin, nous achevons la montée sur un replat herbeux avec une vue impressionnante sur la vallée, les noyers et Arslanbob mais limitée par la brume, ce qui est un peu dommage… Pique-nique au soleil avec pour compagnons, les vautours.

 

Et c'est reparti pour la redescente maintenant, à flan. Sur un sentier pas très large, bien déversant par moments… Avec la solitude qui règne et notre errance de toute à l'heure, je suis un peu prise d'angoisse. Tout me semble grand, les montagnes immenses au dessus de moi et le vide loin en-dessous : je me sens aspirée par ce décor surdimensionné. Petit moment de stress donc, qui ne dure pas. Nous croisons un placide troupeau de vaches accompagnées d'un cheval. Et nous coupons tout droit pour se rendre au Holy Rock, c'est un très gros rocher où, selon la légende, le fondateur du village avait l'habitude de venir prier. Il est anciennement aménagé et nous faisons une pause perchés sur la roche sacrée. Puis nous finissons la balade en redescendant vers la ville. C'est vrai que, vu d'en bas, il en impose le caillou! La descente est belle. Nous passons à la source moussue d'une rivière, des arbres noueux et un tapis de feuilles de couleurs bordent la suite du ruisseau, c'est très bucolique. Nous avions espéré remanger une glace crémeuse à l'arrivée, comme hier, mais le café est fermé, déception! Enfin on se rattrapera dès le lendemain! 

 

Le retour se fait facilement, et nous sommes de retour à Djalalabad vers midi. Nous sommes bien contents de cette petite virée dans le coin, c'était sympa et ça changeait bien.

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