Vogue la galère jusqu'au Cap Vert

Première étape de la transat,

Une semaine sans voir la terre des Canaries au Cap Vert à bord du Yellow boat… 

Larguez les amarres!

Nous les larguons le dimanche 3 novembre à 13h, direction le Cap Vert. J’ai embarqué la veille. Les deux grandes filles de la famille sont reparties en France et nous sommes donc quatre à bord du voilier RM 1050 Pikou Panez : Agnès, Vennec, Bleuenn et moi.

 

Sept jours en mer. Qu’est-ce que c’est ?


C’est le temps qu’on devrait mettre pour réaliser cette traversée de 810 mille miles nautiques, peut-être moins. Pour Agnès et Bleuenn en tous les cas, cinq, six, sept ou huit :

 

« Ca sera toujours trop long ! »

Au premier jour...

Au commencement, le ciel et l'océan. Les vagues mais pas encore le vide, Pikou Panez planait sur les eaux... Michel - le routeur - dit : " Que le vent soit " et le vent ne fut pas. L'équipage vit que le vent était faible, et il déroula trinquette et génois. Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour.

Bon j'arrête ici mes parallèles bibliques parce que en bonne hérétique je ne m'y connais point et les allers-retours Google avec le Livre ne sont pas pratiques.

Voici La Vérité sur le premier jour :

 

Tu es malade. Heureux de prendre la mer, mais malade. Je n’étais pas nauséeuse mais chaque changement d’état  est un danger : passer aux toilettes (toujours redoutable celui-ci), se réveiller pour prendre son quart, se glisser dans sa bannette pour se coucher, … Tu t’apprêtes à rendre, comme dirait ma grand-mère. Ou en d’autres termes moins surannés : Alerte vomito ! Et tu commences à saliver... Là il faut être bien entraîné pour lutter et ne pas finir la tête dans la casserole ou par-dessus le bastingage. Peu d’animation sur le pont donc. Au-delà de cette dure bataille avec ton oreille interne, le premier jour c’est aussi Ténérife qui s’éloigne et le Teide en dernière terre en vue, en dernier point de repère avant qu’il n’y est plus, que de l’eau. Nous prenons le large par un grand soleil, un vent d’est et une houle qui nous brasse pas mal. Les premiers repas à bord sont frugaux, évidemment personne n’est trop dans son assiette. On se raconte des histoires et on organise les quarts. Trois adultes = trois tranches de quatre heures : le 20h-minuit ; le zéro à quatre et le quatre à huit.

AU deuxième jour...

Tu es encore malade. La guerre n’est pas finie. Le capitaine n’est pas épargné et croise le bastingage. Sinon, nous apercevons une tortue et le vent n'est toujours pas. Seulement 125 milles nautiques parcourus en 24h.

Au Troisième jour…

Tu es sortie vainqueur de ta lutte intérieure et ton oreille te laisse tranquille à présent, mais vigilance, un attentat est toujours possible – compassion pour Bleuenn pendant sa préparation du pain, elle aussi croise le bastingage. Tu es donc plus libre de tes activités, les repas s’étoffent et le bord s’anime. Vennec se met à la pêche, Agnès à la lecture et Bleuenn à ses films, qu’elle enchaîne dans des proportions redoutables – après décompte à l’arrivée, plus d’une vingtaine ! - vidant une à une les batteries des trois ordinateurs portables. Pour ma part, je lis un peu et essaie d’écrire mais il est encore trop tôt. Dans l’après-midi, rencontre fugace avec un groupe de globicéphales croisant notre route et aperçu d’une seconde tortue. 

Au quatrième jour…

C’est la journée cuisine et catastrophe.

 

Côté cuisine : Vennec et Bleuenn font du pain, moi des crêpes, et au bout de la ligne une petite, mais délicieuse, dorade coryphène.

 

Côté cata : Pas de vent, c’est agaçant, notre moyenne est basse, les voiles faseyent, la moyenne chute et notre ETA - Estimated Time of Arrival - s’allonge. Démarré à contre-cœur, c’est sur ces entrefaites que le moteur se met à taper. Il fonctionne au point mort mais tambourine bizarrement autrement. Petit moment de découragement… Vite passé car finalement dans la soirée Volvo prends sur lui et, sans roulis, se décide à ronronner sagement.

 

Sinon, au loin - trop loin - quelques dauphins font des cabrioles. Dans l’après-midi, Vennec réussi à amadouer Bleuenn pour une séance de CNED à propos de croûte terrestre, de lithosphère, asthénosphère et de roches ductiles… Vagues souvenirs qui permettent de se rendre compte qu’on a surtout tout oublié des cours d'SVT du collège!

AU millième jour

Honnêtement, je ne sais absolument plus rien de ce qui s'est passé de ce cinquième jour mais je vais y réfléchir... Prendre des notes pendant la navigation n'est pas aisé… Je me redécouvre lamentin - charmant surnom de mon affectueux papa pour désigner mon état léthargique proche du coma quand je monte sur un bateau - même si j'ai fait des progrès. Tout commence à se confondre. Pour tout avouer, il ne se passe pas grand chose pour distinguer les jours. Même vent, même mer. Nous perdons la notion du temps. On déroule la trinquette, on enroule la trinquette, on déroule la trinquette, on … Notre activité voile se résume à peu près à ces deux actions répétées parce que cette saleté trinquette ne veut pas tenir : houle -> surf -> changement d'amure -> voile à contre -> 1 fois, 2 fois, 3 fois -> nerfs qui s'épuisent -> on enroule. Même les filles en viennent à dire que finalement on pourrait rester en mer un ou deux jours de plus, il n'y aurait plus grande différence. Ah voilà que quelque chose me revient! Deuxième pain, deuxième dorade. Cuisinée à la tahitienne cette fois-ci, cuite dans le jus de citron-coco, baptisée meilleur repas de la traversée!

Le pire étant les molles boulettes de viande en boîte : infâmes. Mais chuut, je crois que le capitaine lis mon blog.

AU sixième jour

Pardon Bleuenn mais mes seuls souvenirs sont que tu préférais faire des tour de magie plutôt que le CNED ^^ Mais que tu as quand même fini ta séance de science. Voilà pour ma mémoire très sélective d'instit. Rassurez-vous, vous ne perdez rien de fabuleux à ce non récit du sixième jour.

AU septième jour

Et le Cap Vert fut! Les feux des îles de Santo Antão et de São Vicente commencent à apparaître juste à ma prise de quart vers minuit. Nous avons bon vent, autour de 20 nœuds et Vennec a décidé d'arriver le plus tôt possible mais donc de nuit. Petite accélération, pas grand chose, entre les îles. Nous longeons les côtes et je tente de me rappeler les noms et la géographie des lieux : Porto Novo, Salamansa, Bahia das gatas… J'étais venue il y a deux ans, pendant mon tour de la Macaronésie, ma mère m'y avait rejoint. Nous avions adoré. Nous y sommes presque et ça émotionne de revenir à Mindelo ainsi, à la voile, dans la nuit. Impressionnante arrivée surplombée par l'ilet des passagers que l'on est pas prêt d'oublier! A l'entrée dans le port, le son d'une batucada, il est 3 heures du matin et c'est encore la fête. Nous nous faufilons au mouillage en évitant les épaves. Champagne, Champomy et tour de magie, la traversée c'est fini!

Les images

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Commentaires: 3
  • #1

    Vennec (mercredi, 01 janvier 2020 19:00)

    Je ne comprends pas: elles étaient très bonnes ces boulettes de viande en boite!
    (ça m'apprendra à vouloir cuisiner...)

    Super ton article, Lara!

  • #2

    Philippe (vendredi, 03 janvier 2020 11:24)

    Merci de nous faire partager tes aventures. Ta plume est vraiment agréable à lire.
    Et bonne, très bonne année.
    Bizzz
    Philippe

  • #3

    Maraouté (lundi, 06 janvier 2020 15:20)

    Merci et Bonne Année à toi aussi Philippe !