Martinique Bis, le bon Mix

Road-trip, retrouvailles et nuits insolites,

musée, plongée, bivouacs et randonnées 

Mix de pratiques, mix d'émotions !

Embarquement épique pour la martinique

Souvenez-vous, par un heureux hasard, j'avais retrouvé un soir Caro et Hervé sur le sable de Malendure, Guadeloupe. Comme je cherchais un bateau pour rejoindre la Martinique, ils m'avaient proposé de voguer à nouveau avec eux : ils y rentraient quelques jours plus tard. Arrangement parfait!

 

Le soir du 18 janvier, nous voici donc réunis à Deshaies avec les trois enfants - Juliette, Pierre-Louis et Jean - surexcités de leur semaine à terre… et des tonnes, et des tonnes de sacs cabas. Nous décidons de faire un premier voyage Caro, moi et les enfants et quelques affaires. On se prend évidemment une grosse drache le temps d'arriver à bord. Quelques minutes après Caro s'aperçoit qu'elle n'a plus son portable… Elle saute dans l'annexe dans l'espoir de le retrouver au point d'embarquement. Sauf que là le moteur déraille et ne s'allume plus… Elle dérive rapidement dans le noir. Je me précipite sur le pont à l'avant pour alerter nos voisins de mouillage et aller la secourir. Ca y est, ils m'entendent et prennent leur embarcation. Entre temps, elle parvient à redémarrer, ouf!

Entre les cabas débordants qui jonchent le sol du bateau, les enfants qui s'animent, le portable disparu, la pluie et Caro à la dérive… On peut parler d'un embarquement épique à bord du Lolita ce soir là!

Finalement le voisin va chercher Hervé et le reste des affaires. Caro retrouvera son mobile brillant au fond de l'eau près des rochers. Il est mort mais la carte SIM étant essentielle à conserver, on peut presque se dire qu'elle a eu de la chance. Le temps de tout ranger, d'autres amis bateaux voisins viennent nous rendre visite, discuter et dire aurevoir. Puis vient l'heure de lever l'ancre et de quitter le mouillage.

 

Le vent a ses humeurs entre 37 nœuds et pétole. C'est donc beaucoup de changements de voiles et d'adaptations. Hervé et Caro ne me font pas faire de quart et je profite du précieux sommeil. Ils essuient plusieurs grains dans la nuit mais au petit matin c'est sous un ciel dégagé que se lève le soleil derrière les verts dénivelés de la Dominique. Un groupe de marsouins joueurs animent la journée. A la nuit, nous sommes à une bouée dans le port du Marin, Martinique.

Retrouvailles : le luxe

Ma première mission martiniquaise est de récupérer - enfin! - ma nouvelle carte bancaire. On m'avait volé mon portefeuille au Cap Vert, juste avant le départ en transat. Ma banquière ayant réussi l'exploit de mettre trois fois plus de temps que moi à la voile pour l'expédier à l'agence de Fort de France, je vis depuis sur de l'argent prêté, des retraits à la poste et une carte que les parents m'ont finalement envoyé en express en Guadeloupe. Je pars donc tôt pour la mission Fort de France en stop (à savoir que le réseau de bus martiniquais est déplorable) et - Hallelujah! - ma carte est là après tant de temps d'attente, de mails cinglants et d'absurdités bancaires! Luxe. Je loue immédiatement une voiture. Parce que je veux pouvoir profiter mieux de l'île. J'en profite pour remercier aussi les Lolita en emmenant Caro et Pierre-Louis faire des courses et puis en récupérant la mère de Caro à l'aéroport. 

 

Le soir je quitte le bord en leur souhaitant bon vent pour la suite de leur périple car j'ai rendez-vous avec Anne, une amie de ma mère que je connais bien. On s'est vu notamment sur le voilier des parents en août, juste avant mon grand départ. Elle était toute admirative et enthousiaste de mon projet tandis que je commençais un peu à angoisser! C'est aussi pour ça qu'on est contente l'une est l'autre de se retrouver de l'autre côté, après ce fameux Kirghizstan à vélo et un océan à la voile.

 

Ces êtres familiers surgis au milieu de l'aventure et de l'inconnu, dans ces espaces lointains où l'on peut être n'importe qui comblent un peu le fossé, le manque et l'oubli de sa maison et de son pays.  Ce grand Atlantique traversé incarne l'éloignement de toute sa masse océanique. On se rappelle alors que juste derrière ces eaux, ces vagues et ces écumes vit un autre monde que l'on connaît et qui existe toujours. Un monde breton de granit rugueux, de toits gris, d'artichauts et des bains glacés. Un monde français qu'une seule grande flaque rend tellement différent. Un peu d'eau qui décale le jour et la nuit, qui transforme l'hiver en été, les chênes en palmier, les lézard en iguanes et les faucheuses en mygales. 

 

Anne est venue passer ses vacances à bord du voilier de ses amis, Grand pas . Je les retrouve tous les trois dans un des bars de la marina du marin où nous passons une soirée très sympa. Après beaucoup de mojitos et de tapas, ils m'invitent à dormir à bord de leur Amel de seulement… 17 m! C'est un genre de Rolls Royce des voiliers. Deux mâts sur enrouleur, tout est automatisé, il y a une machine à laver, un lave-vaisselle, un groupe électrogène et même des carreaux sur le plan de travail de la cuisine… Le luxe, le vrai. 

nuits insolites : la peur

La pire de ces nuits? A voir…  

La nuit du trigonocéphale

La plus animale.

 

Il y a eu cette nuit au saut du gendarme. Le soir même après ma visite de l'habitation Clément, je décide de rouler jusqu'en montagne pour voir cette cascade et éventuellement randonner dans le coin le lendemain. La voiture garée, je descends les escaliers jusqu'au bord de la rivière, dans le noir et la jungle avec mes affaires. Je pose ma tente sous un carbet à même la table de pique-nique et je la tends avec les moyens du bord. Ce n'est pas très académique mais ça fait l'affaire. Après tout ça et le repas, j'entreprends d'aller faire caca dans les bois. Comme je ne veux quand même pas souiller l'endroit, je marche un peu dans les fourrés. C'est alors que, le pantalon aux chevilles, m'apprêtant à me baisser, ma frontale éclaire à 50cm de mon pied une dangereuse forme lovée, la tête triangulaire redressée. Pic d'adrénaline, ma cœur tombe dans ma poitrine. Il ne bouge pas. Il est sur le qui-vive mais ne bouge pas… Je recule tant bien que mal, cul nu, sur mes jambes flagadouilles. Très grosse frayeur! Après double check et confirmation internet, je sais que je viens de faire la rencontre avec le trigonocéphale de Martinique, serpent venimeux de la famille des vipères dont la morsure peut être mortelle si elle n'est pas prise en charge dans les 6 heures. Celui-ci aime vivre en altitude, dans les zones humides et sort la nuit.

 Voilà, voilà, j'ai reporté mon caca.

La nuit chez Thierry

La plus malaisante.

Alors que je rentre en voiture jusqu'au camping de Sainte-Anne après cette merveilleuse rando au nord de l'île, je prends un gars en stop. Thierry de Rivière Salée. 58 ans. Il est agent de sécurité dans une galerie commerciale. Il parle, parle et tourne un peu en boucle. Je crois que j'ai voulu me prouver quelque chose ou prouver quelque chose au monde comme quoi on pouvait faire confiance aux gens. Quoiqu'il en soit ce mec me propose de dormir dans sa maison en rénovation plutôt qu'au camping et j'accepte. S'ensuit une looongue soirée faite de beaucoup de moments malaisants et une très courte nuit. D'abord je rencontre sa mère, qui est alitée dans sa chambre en train de regarder la télé. Je doit donc faire la conversation avec une vieille dame inconnue entourée de Jésus. Ensuite, Thierry me tanne avec toutes sortes de discussions décousues passant du coq à l'âne alors que je suis si fatiguée de cette journée. Enfin, j'arrive à obtenir les clés de cette fameuse maison en rénovation - branlante et abandonnée depuis longtemps, bref super glauque - et je peux commencer à débarrasser la voiture de mes affaires. Il y a beaucoup à ranger et trier car je repars demain sur un bateau. J'ai un mal de tête carabiné et Thierry met des plombes à me lâcher les basques. Je me maudis moi et mes beaux principes de confiance et de partage. Je n'aurais jamais dit que je me laisse embarquer dans un plan aussi merdique, avec exactement le genre de personne pétée par la vie où toute conversation suivie est un véritable challenge! Le voyage nous découvre à nous même… Tu parles, j'aurais mieux aimé me méconnaître sur ce coup! Il me fait penser à cette française fêlée rencontrée en Inde qui avait raconté tout sa vie à Alice en l'espace d'une heure pour finir par pleurer dans ses bras… Bref, l'important c'est que je sois bien enfermée et, somme toute, toujours en sécurité. Il est plus de minuit quand je m'endors. 

A 5h du mat' le gars vient se poser sous mes fenêtres pour écouter du son… Je boue littéralement. Je charge toutes mes affaires et décolle de cet enfer! Non sans mal avec l'autre accroché à la fenêtre de ma voiture qui ne comprends pas ce qui ne va pas… Le mec croyait que j'allais visiter Rivière Salée avec lui au petit matin. 

 Voilà, voilà, j'ai fait n'importe quoi.

randonnée : l'état sauvage

 

 

 

 

J'ai fait les deux extrêmes du littoral :

celle du nord-est au départ de l'anse couleuvre

& celle du sud-ouest du cap Chevalier jusqu'au Cap Ferré.

Très différentes, elles sont toutes deux magnifiques. 

Pour celle du nord, l'intégrale mène normalement jusqu'à Grand Rivière. Mais le retour est compliqué car il faut revenir en bateau ou en navette (très long!) J'ai donc dans l'idée de faire plutôt un aller-retour pour voir un point sur la carte avec multiples cascades et qui se trouve à peu près à mi-chemin. L'itinéraire est indiqué en pointillé et, comme je ne sais pas ce que ça signifie, je demande à tous les randonneurs que je croise. Au bout du 10ème, je peux lire sur la légende de sa carte papier "itinéraire difficile". Bon, ça promet du fun. Le passage le long de la côte est vraiment joli, bien tracé, avec des vues sur la jungle, les falaises et les plages qu'il surplombent. Ca dure 7km avant que j'atteigne la bifurcation qui part aux cascades via la rivière. C'est l'acrobatie pataugeoire et je m'éclate. C'est grandiose et perdu. Je suis évidemment seule. enfin presque : je croise avec chance une mygale bleue juvénile fabuleuse. Celles-ci ne sont pas agressives à l'inverse de leurs voisines rouges du sud et je prend grand plaisir à l'observer.  Enfin, après plusieurs premiers sauts de la rivière et plusieurs passages de cordes, j'atteins la clairière convoitée. Un petit replat circulaire, coin d'herbe entouré de hautes murailles de roches et de mousses depuis lesquels dévalent deux cascades majeures. L'une d'elle offre un véritable bassin de baignade. Je profite car c'est magique. 

Pour celle du sud, je reprends où je m'étais arrêtée lors de mon premier passage, au Cap Chevalier. Je n'ai plus la voiture mais trouve sans mal des rides pour m'y emmener. Je prends un peu du temps au début sur la plage qui est vraiment l'une des plus belles de l'île. La guinguette en retrait à l'ombre de la palmeraie donne une chouette ambiance et sert de bons bokits. Le sentier suit réellement le littoral, je marche la plupart du temps sur la plage. Le décor n'est pas le même sur cette côte au vent, la végétation est sèche : beaucoup de graminées pour quelques palmiers. Parfois même des cactus. Les arbres sont inclinés vers la terre, quelques casiers naufragés au milieu des algues qui ourlent le sable. De nombreux campements se cachent sous la canopée, assemblage hétéroclite et plus ou moins élaboré de ce que la mer ramène sur les rochers. Mais je ne croise pas les habitants de ces huttes désertées, seulement un couple de naturiste au bout de 2h de balade. Cette randonnée s'avère étonnamment douce et variée : je traverse les mangroves et marche sous les mancenilliers. Seul le turquoise de l'eau est immuable. Je rentre facilement comme je suis venue, en stop, un peu après le Cap Ferré.

Plongée, plage & art : le reste du mix

Première visite de ce deuxième séjour en Martinique, l'habitation Clément vaut mille fois le détour ! Elle abrite un très beau jardin rempli de sculptures monumentales, une rhumerie et sucrerie - avec les différents chais, les anciennes fabriques, la maison du maître au style créole et la dégustation - et un centre d'art contemporain. C'est donc très grand et il  conseillé de prévoir du temps car tout est intéressant. J'ai la chance d'y voir notamment la super exposition "Black Forest" de Pascale Marthine Tayou. 

Avec la voiture je sillonne l'île les jours de pluie en dormant dans la tente, je fais des courses - de nouvelles chaussures, un nouveau carnet. Puis je vais vivre sur Boomerang, un catamaran qui doit me conduire aux Grenadines après ses réparation. Je passe donc du temps avec Stéphane, Geneviève, Camille et Charles qui m'emmène un jour à la presqu'île de la caravelle.

 

Je ferai une nouvelle plongée bouteille dans la baie de Sainte Anne, peu profonde. Herbier, coraux, beaucoup de poissons, beaucoup de vie. J'adore évoluer sous l'eau, les bulles, le silence, l'apesanteur, légèreté et lenteur. A chaque mouvement, la caresse de l'eau, ses volutes. J'ai l'impression de me mouvoir avec facilité. Nous ne voyons pas les tortues espérées mais c'est toujours une joie de descendre en bas.

 

Je pars de nouveau en stop pour l'anse Dufour et l'anse Noire, qui lui est directement voisine. Dans une eau trouble, je cherche encore en vain des tortues. Je déjeune copieusement  "Chez Nini" où Maguy, la patronne, me fera des bisous et me souhaitera une bonne route sur le coin d'une serviette en papier. 

 

Je rejoins à pied la Grande Anse d'Arlet qui n'est pas bien loin, une petite heure, où je guette le rayon vert, à côté de beaucoup d'autres, sans succès. Ce phénomène optique rare consiste en un éclair vert visible au sommet de l'astre au moment de son lever et de son coucher. Mais par la suite, j'assiste au coucher de soleil le plus beau et le plus doux du monde. J'ai du mal à m'arracher à l'ambiance duveteuse et mélancolique de cet endroit.

 Il fait déjà bien nuit quand je me remets en route pour Le Marin. Je poireaute un bon moment au niveau du Diamant pour trouver une seconde voiture allant dans mon sens, mais enfin vers 20h je retrouve le bord de mon catamaran où m'attend la cuisine délicieuse et presque légendaire - voilà bien une autre famille où la cuisine est LE sujet tabou- de Stéphane et Geneviève. Au menu ce soir, ouassous - grosses crevettes - grillées à la plancha. Et ouais! 

Les images

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